Je m’appelle Alice Manuel Lopez Djebli, needle de mon nom de scène je suis autrice, actrice et musicienne et militante transféministe. Je me produis principalement dans des squats ou des bars, lors de soirées de soutien à des collectifs militants ou d’entraide communautaire et ne vis donc pas de mes productions artistiques. Je publie mes écrits poétiques et militants principalement à travers les réseaux sociaux. Je vis donc du RSA et du travail du sexe et on m’a invitée ce soir à parler d’un sujet dont j’estime avoir un aperçu plutôt global : la cancel culture.
Moi j’ai travaillé ces deux dernières années sur le point précis des dynamiques d’exclusion en intra-communautaire au sein des espaces queer féministes, et j’insiste sur ce point parce que j’ai la sensation aujourd’hui que le terme de « cancel » est instrumentalisé à tout va et peut dire tout et son contraire. De l’extrême droite qui crie au cancel lorsqu’on cherche simplement à stopper ses discours de haine (qui sont d’ailleurs légalement répréhensibles, en théorie) aux personnes isolées sans la moindre forme de pouvoir politique, économique ou médiatique qui passent devant un tribunal populaire, il y a un monde et pourtant c’est le même mot qu’on utilise. Il y a donc là problème de confusionnisme et il est primordial de bien redéfinir de quoi on parle.
Je crois que les dynamiques « d’annulation » émergent à la base de personnes vivant des oppressions et des violences et cherchant un moyen de rendre justice en dehors du système judiciaire qui a montré à de nombreuses reprises des défaillances majeures et les a laissé tomber.
Je pense qu’il y a un lien fort à établir avec le mouvement « MeToo » puisque c’est peut-être le premier mouvement de justice sociale ayant pris autant d’ampleur mondialement à travers les réseaux sociaux.
Et la je veux marquer une première nuance. Parce que si MeToo est considéré comme un mouvement de libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles, je crois que ce n’est pas aussi simple.
Qui saurait en effet citer les réelles origines du mouvement, qui n’a pas été lancé par une actrice blanche comme cela fut majoritairement retenu, mais bien par Tarana Burke, une militante noire-américaine pour aider les victimes de violences sexuelles à se sentir moins seules. A la base il s’agit donc davantage d’un mouvement de solidarité entre victimes que d’un mouvement de dénonciation nominative et d’exposition médiatique comme il a pu le devenir par la suite.
Parce que pour dénoncer, encore faut-il en avoir le pouvoir. Et le livre « le privilège de dénoncer » de Kharoll-Ann Souffrant montre bien comment les femmes noires sont largement minoritaires dans l’espace médiatique sur le sujet des violences sexuelles, en raison de dynamiques racistes toujours bien ancrées.
On peut citer Nadia Remadna, fondatrice de l’association « La brigade des mères » qui disait sur MeToo « cela n’a pas libéré la parole de celles qui ont peur de parler. Quand ce sont des stars de cinéma, tout le monde en parle mais les femmes de quartier, tout le monde s’en fout »
Le féminisme blanc libéral se serait donc accaparé du mouvement MeToo, en permettant aux femmes détenant suffisamment de pouvoir d’en gagner encore davantage. Et en y accolant par la même une notion de vindicte, plus que de solidarité. Parce que le féminisme blanc libéral est individualiste et lutte pour que les femmes blanches aient accès au pouvoir des hommes blancs plus que pour une réelle destruction des systèmes patriarcaux qui touchent leur sœurs – et leurs frères – et oui les hommes aussi sont victimes de violences sexuelles, notamment dans l’enfance puisqu’un enfant sur 10 est victime d’inceste. De toute façon, même si les statistiques indiquent que les femmes sont davantage touchées par ces violences il est absolument absurde de ne pas compter les hommes parmi les victimes et peut-être que si on leur donnait davantage d’espace pour se considérer victimes, plus d’hommes oseraient prendre la parole sur les violences sexuelles qu’ils ont subi et que les chiffres s’équilibreraient au moins un peu. Nous le savons, les statistiques ne peuvent représenter que les violences signalées, et je pense qu’il y a une omerta immense sur les violences sexuelles que subissent les hommes, et qui je crois font partie de leur conditionnement à les reproduire. bell hooks en parle très bien dans « La volonté de changer ».
Eloignons-nous du mouvement MeToo pour nous intéresser à une autre forme de cancel, que je connais bien puisque je l’ai vécu. C’est une question très soulevée au sein des milieux anarcho-féministes queer, et également très clivante. Bien que les choses soient à nuancer, on trouve alors deux tendances : les personnes défendant le cancel et le call-out comme des moyens d’autodéfense vitaux pour nos luttes, et les personnes s’y opposant en mettant en avant les nombreuses injustices qu’ils créent ou amplifient.
En effet, j’ai parlé plus tôt de pouvoir, du « privilège de dénoncer » et il est je crois très important de noter que cet outil n’est en effet pas accessible pour toutes les personnes, et qu’il ouvre également la porte à de nombreux abus.
Puisque le cancel, se basant sur la notion, certes importante de « croire les victimes », simplifie et binarise de nombreuses situations qui sont pourtant plus complexes, quand il n’y a pas un rapport de pouvoir unilatéral clair et défini, comme par exemple avec un metteur en scène et ses élèves. Il suffit de dénoncer pour être cru.e, ce qui en soi est une bonne chose, mais aussi pour que se mettent en route des processus d’ostracisation de personnes souvent dépourvues de capital social et de soutiens, et parfois même innocentes. Je dis « parfois même innocentes » puisque les dynamiques de justice communautaires sont la plupart du temps, sinon toujours, réalisés par des personnes qui ne sont pas formées mais par des justiciers et justicières autoproclamé.e.s, et donc bâclées, et font fi de la vérification stricte et rigoureuse des faits reprochés. Une accusation est bien souvent suffisante pour que la machine se mette en marche et qu’une personne soit désignée coupable, mauvaise, problématique et isolée. La personne n’a aucune chance de se défendre, aucun moyen de faire valoir sa version, son histoire et de démentir des éventuelles inexactitudes dans le portrait qui est dressé d’elle et qui finit d’ailleurs souvent par échapper même à la victime elle-même quand celle-ci est à l’origine de l’accusation (ce qui n’est pas toujours le cas). On voit qu’au final même les victimes sont dépossédées de leur parole et il est de nombreux cas où celles-ci ont voulu faire machine arrière, mais c’était trop tard. Une fois enclenché, c’est un mécanisme très difficile à enrayer.
Je dis « souvent dépourvues de capital social et de soutiens » car il faut comprendre que pour qu’une dynamique d’exclusion se mette en place, il faut qu’elle soit relayée et appuyée par une communauté. Ainsi, les personnes qui seront les plus touchées par ces dynamiques ne sont pas celles qui le « méritent », mais bien celles qui n’ont pas les moyens de s’en défendre, pas le pouvoir d’y résister. Souvent donc des personnes racisées, mais également un très grand nombre de personnes transféminines. En résumé, des personnes qui sont déjà en situation de précarité sociale. On pourrait citer par exemple les usager.e.s de drogues, les pauvres, les personnes en situation de handicap, en bref tout ce qui peut faire obstacle à l’apprentissage des codes souvent définis dans les espaces de réflexion universitaires, puis posés comme normes strictes dans les espaces militants et que tout le monde n’a pas la chance de pouvoir apprendre.
J’ajouterai que l’essentialisme binaire qui rampe dans un bon nombre de luttes féministes à travers une misandrie revendiquée et une transmisogynie plus ou moins assumée fait de nous, les travelotes, des cibles extrêmement faciles. Il s’agit alors non pas de déterminer la véracité des accusations qui pèsent sur nous, mais la véracité même de nos féminités. Ne serait-ce pas un homme qui fait semblant et comment en être sur.e.s ? Et puis tout le monde sait que les hommes noirs sont des sauvages. Plus sérieusement, je pense que nous ne pouvons pas négliger le fait que le recours à des fausses accusations de violences sexuelles à des fins racistes ou transmisogynes est un phénomène existant. Et que la montée de l’extrême-droite rendant toujours plus décomplexées les expressions de haine à l’encontre de ces communautés, c’est une dynamique qu’il faut surveiller.
L’exclusion sert surtout à donner l’illusion de la justice, l’impression que nous maitrisons et gérons les violences qui ont lieu dans nos propres espaces. Il s’agit de « purifier » la communauté de ses membres déviants, essentialisés à travers leurs fautes réelles ou supposées, plutôt que de reconnaître une responsabilité collective et de s’intéresser à ce qui rend possible les violences au niveau structurel. De décortiquer les façons dont le pouvoir circule et de rêver un espace « safe » où les dynamiques de pouvoir sont tout simplement inexistantes. Afin de pouvoir assurer ce rôle, le stigmate qui est porté sur la personne jugée problématique est transitif. Toute personne qui remet en question l’exclusion ou même qui refuse simplement de couper les ponts avec la personne concernée risque l’exclusion à son tour puisqu’elle se positionnerait alors comme « soutien d’une personne problématique », et ça c’est problématique. On a la un mécanisme qui rappelle à certains endroits des fonctionnements propres aux dérives sectaires. Le groupe a parlé, et ne devra pas être remis en question, sous peine de sanction.
Il s’agit de faire un constat : la responsabilisation individuelle, bien qu’importante à l’échelle individuelle, est largement insuffisante à l’échelle collective : on le remarque aisément en constatant les échecs répétés des efforts de répression et des politiques carcérales. La justice punitive n’empêche aucunement la répétition des violences, puisqu’isoler des autaires ne permet en aucun cas d’agir sur les causes premières de la violence. Il s’agit simplement de mettre le problème de côté, permettant à la personne de répéter ses agissements dans un autre milieu dans le cas d’une exclusion communautaire. Dans le cas de la prison, elle crée des conditions déshumanisantes et antagonistes à la possibilité du changement et de la réinsertion, ce qui pourtant devrait-être une priorité. L’observatoire international des prisons évalue à 63% les recondamnations dans les cinq ans suivant la libération des détenus. On notera bien entendu qu’il y a des parallèles évidents à faire entre criminalisation et racisme, puisque la justice punitive est avant tout un outil politique servant le système en place qui a le monopole sur la violence considérée comme légitime. Dans un contexte de montée en puissance international des régimes fascistes, coloniaux et suprémacistes, il est clair que l’idée de justice est assez éloignée de la réalité des incarcérations. On pourra se rappeler par exemple des peines de prison fermes extrêmement lourdes distribuées à des jeunes adultes racisés pour simple vol lors des émeutes ayant suivi l’assassinat de Nahel par un policier qui aura quant à lui reçu un million d’euros grâce à une cagnotte de soutien. Je ne veux pas parler trop vite et suis bien entendu consciente de la réquisition récente du parquet de Nanterre d’un procès pour meurtre, mais tout de même.
J’ai la sensation, arrivée à cet endroit de mon discours, que ce n’était pas l’endroit où j’étais attendue. Je relis le programme : Les sensitivity readers sont-ils le futur de l’écriture et de la dramaturgie ? Les histoires présentées sur nos plateaux doivent-elles nécessairement être racontées par celleux qui les ont vécues ? Est-ce à l’art de réhabiliter les vérités de l’Histoire ? Cancel culture : censure ou monstration ?
L’institution théâtrale attendait-elle de moi que je lui fournisse des éléments de réponse pour se démêler les pinceaux dans ses questionnements existentiels et les inconforts suscités par les voix marginalisées qui parviennent à ses oreilles depuis que les réseaux sociaux permettent même aux prolos et aux putes de prendre part aux débats sur la justice, l’éthique et les violences de classe ? Cette même institution qui me faisait comprendre à plusieurs reprises que je n’y avais pas ma place, qui m’accusait de censure lorsque de mes 24 je remuais la merde en protestant contre l’appropriation des vécus trans par les personnes cisgenres à Toulouse devant le théâtre Sorano, me demandant si ce n’était pas moi qui m’empêchais de jouer des rôles de personnes cisgenres après que j’ai été brisée en formation professionnelle.
J’ai déjà utilisé la moitié de mon temps pour éclaircir ce contexte qui me semblait indispensable à situer avant d’aborder un sujet aux contours aussi flous tel que la cancel culture sans tomber dans le confusionnisme. Parce que si la cancel culture est un sujet de réflexion théorique pour les intellectuels de l’art, il s’agit d’un sujet de survie pour les putes comme moi.
Alors maintenant que cela est fait, je vais tenter d’aborder ces questions, et m’interroger avec vous sur l’art bien que mon positionnement soit relativement clair.
Les sensitivity readers sont-ils le futur de l’écriture et de la dramaturgie ? Je ne crois pas, j’espère que non. Je pense que les paroles portées sur scène doivent en effet l’être avec sensibilité, mais il me semble qu’il s’agit là du travail des auteurs et des autrices. Ecrire, parler, représenter, c’est une responsabilité. Puisque derrière les mots et les histoires il y a des vies bien réelles et qu’il est primordial de les traiter avec la justesse et le respect qui leur est dû. Et c’est d’autant plus vrai lorsque l’on souhaite mettre en avant des histoires difficiles, marquées par les oppressions, les violences et les injustices. Cela soulève pour moi la question du : pourquoi écrit-on sur tel ou tel vécu ? Parce qu’on l’a trouvé touchant ? Cela est insuffisant pour prétendre pouvoir le conter avec justesse. Parce qu’on souhaite le défendre ? Alors pourquoi ne pas appuyer les initiatives et les projets déjà existants et ne possédant pas les capitaux économiques, culturels ou sociaux nécessaires pour atteindre une grande visibilité ? Parce qu’on s’en sent proche ? Alors pourquoi ne pas écrire de là où l’on se situe, et vouloir porter une voix qui n’est pas nôtre plutôt que de rapporter ce qui nous est accessible en ayant l’humilité de reconnaître que l’on est un simple témoin ? Tout être humain pourvu de sensibilité devrait reconnaître qu’une histoire ne peut et ne pourra jamais être universelle, et qu’il est bien prétentieux que de se penser capable de parler une langue que l’on ne connait que d’oreille et pas de bouche. Nous n’avons pas besoin de sensitivity readers, qui, selon mon opinion, sont un peu comme les mamans dans une famille patriarcale : chargés d’édulcorer le discours pour éviter tout conflit. Je crois qu’il est des conflits que nous devons affronter, puisqu’ils sont révélateurs de tensions qui ne sauraient être déliées si on les passait sous silence. Je crois que nous devons trouver des manières de rendre les conflits génératifs, et d’en tirer des leçons qui nous permettent de nous améliorer collectivement plutôt que de chercher à les éviter ou les invisibiliser. Et en cela, les autrices et les auteurs doivent avoir la possibilité de chercher aussi là où ça peut faire mal. Il est impossible d’apprendre quoi que ce soit sans prendre un minimum de risques. Prendre des risques, ça veut dire accepter la possibilité de manquer, et de retomber sur le cul, non pas sans douleur certes mais en ayant appris quelque chose.
Faut-il que les personnes qui incarnent ces histoires, les comédiens et comédiennes, les aient vécues ? Je porterai ici plus de nuance puisque cela dépend de l’écriture. Les personnages sont-ils des archétypes ou des personnes ? Il est ici à nouveau question de sensibilité et je ne saurais donner une réponse toute faite. Un archétype, par définition, est censé pouvoir être porté par quiconque puisqu’il représente des traits plus qu’une histoire réelle, bien que sa maîtrise demande un travail rigoureux mais c’est là le travail du comédien ou de la comédienne. Lorsque l’on parle d’un Roméo ou d’une Juliette, le caractère classique de l’œuvre ouvre la possibilité aux interprétations diverses, et l’on cherche avant tout des personnes pouvant incarner de jeunes amants face à un amour interdit. Lorsque l’on parle de la vie d’une femme trans, dans une pièce contemporaine, au hasard Pour un temps sois peu, de Laurène Marx, c’est tout autre chose. Car il s’agit d’une pièce mettant en avant un vécu marginalisé et bien loin de représenter un archétype. Ce qu’elle écrit dans son texte autofictionnel, c’est une personne. Peut-être que cette personne n’existe pas, et qu’elle est composée de bouts de l’autrice par-ci et de bouts de ses sœurs par là, mais pourtant il m’apparaît impensable de la traiter comme on traiterait un Arlequin. Et c’est d’ailleurs ce que l’on pouvait constater dans la mise en scène de Léna Paugam, où Hélène Rencurel s’emparait du texte. Lorsque j’ai contacté le théâtre Sorano pour l’informer de l’action artistique que j’allais entreprendre en jouant le même spectacle en parallèle sur le parvis du théâtre, les quelques personnes ayant soutenu mon action et moi avons reçu des billets pour assister à la première des deux représentations à Toulouse (qui seraient les dernières, suite à la panique morale qui gagnerait les médias). Et malgré un investissement et des compétences de comédienne évidentes, Hélène Rencurel, ne pouvant pas connaître ce vécu dans sa chair, n’avait pas réussi à porter le texte de Laurène Marx avec justesse, et les rares personnes trans présentes dans la salle riaient lorsque le public pleurait, et serraient des dents quand le public riait. Hélène Rencurel livrait un fantasme. Pas une représentation. Cela nous avait alors convaincu de la légitimité de notre démarche et nous avions maintenu notre action « piqûre de rappel ». Je ne m’étale pas davantage sur le sujet et vous invite à lire l’article très complet que nous avions écrit, et qui avait reçu bien moins d’attention que les articles purement mensongers de Télérama et Libération qui n’avaient pas jugé pertinent de venir nous interroger, et avaient présumé de nos intentions et déformé la majorité de nos propos.
Cancel culture : censure ou monstration ? Je trouve qu’il est parfaitement impertinent de parler de censure lorsque l’on s’applique à éviter le confusionnisme et rendre leur sens aux mots. Des voix mécontentes sur les réseaux sociaux, aussi violentes puissent-elles êtres, ou même des actions militantes exprimant une voix divergente ne représentent en aucun cas un pouvoir capable de censure. La censure, c’est ce qu’il se passe actuellement aux états-unis, où le dictateur Trump évince purement et simplement des médias tout entiers grâce à un pouvoir étatique, où des livres sont retirés des écoles et des mots interdits dans les champs de la recherche. Alors oui, le cancel, lorsqu’il vise des institutions ou des positions de pouvoir, est une dynamique de monstration, certes parfois violente, presque toujours inconfortable à essuyer, et je n’ai pas peur de l’affirmer.
Cependant, j’affirme également que lorsqu’il s’agit d’ostracisations individuelles visant une personne et non pas sa position, il s’agit au mieux de harcèlement, si la personne a le privilège de trouver des soutiens pour ne pas se retrouver entièrement seule, et au pire d’une exécution sociale lorsqu’elle touche des personnes déjà très vulnérables.
Je terminerai par cette question là : est-ce à l’art de réhabiliter les vérités de l’histoire ?
Je crois que la question n’a pas lieu d’être. L’art permet de construire ou de détruire des récits, comme un marteau permet de construire ou de détruire des ouvrages.
Il s’agit d’un outil. Rien de plus et rien de moins.
Il est bien entendu possible de faire de l’art pour le simple plaisir de faire de l’art comme on peut bricoler pour le simple plaisir de bricoler. Les entres-sois élitistes du théâtre bourgeois se revendiquant apolitiques seraient alors comme des clubs de bricolage pour riches permettant d’exposer de jolis bancs et de belles tables au public. La finesse de construction peut-être remarquable, l’ouvrage magnifique, mais ça reste un banc, et ça reste une table.
Il est également possible de construire d’immenses statues à la gloire d’une figure d’autorité à des fins de propagande, ou des prisons, ou des grands palaces pour les milliardaires.
Comme il est possible de construire des logements sociaux, des hôpitaux et de saboter des infrastructures militaires.
L’art est à l’esprit ce que le marteau est à la matière.
A toutes les personnes occupant une position pouvoir dans le monde de la culture : il ne s’agit pas de la responsabilité de l’art, il s’agit de la vôtre.
Utiliserez-vous votre pouvoir et vos expertises pour façonner un monde plus juste, rejoindre les luttes intersectionnelles et combattre le fascisme ou vendrez-vous de jolies tables hors de prix, fabriquerez-vous des palaces pour les dirigeants fascistes et des missiles pour leurs armées ?
Je ne peux pas répondre à votre place. Pour ma part, la question elle est vite répondue.
Sur ce, je vous laisse avec une chanson que j’ai écrite pour moi pendant l’année que j’ai passée enfermée dans ma chambre en pyjama puisque presque personne ne voulait plus me parler, pour éviter de me suicider avant tout. Puis j’ai réalisé ensuite que je l’avais écrite aussi pour mes sœurs trans, pour éviter qu’elles se suicident face aux violences écrasantes que nous encaissons chaque jour et qui n’iront qu’en augmentant si vous ne nous apportez pas votre aide.
Call-Out une Meuf Trans
On prend la petite meuf trans qui ne sort plus de sa chambre,
On lui dit avec violence qu’on veut plus jamais l’entendre.
On se fait passer le mot en occultant les détails,
On refait le scénario, on en fait un épouvantail.
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
Fouille sa vie, expose-là, pose pas de questions, l’écoute pas, non non
Call-out une meuf trans.
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
Tant qu’elle n’est pas silencieuse, elle est vraiment trop dangereuse, ça ouais
Call-out une meuf trans.
La ptite meuf trans se justifie : c’est dla manipulation
La ptite meuf trans ne parle plus : c’est dla manipulation
La ptite meuf trans est en colère de par sa socialisation
La ptite meuf trans fait des excuses : c’est dla manipulation
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
Tu obtiendras réparation à travers son humiliation, ouais ouais
Call-out une meuf trans
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
C’est pas du tout abusif, c’est dla justice réparatrice, ben ouais
Call-out une meuf trans
Et si elle veut dialoguer, surtout fais-la mariner
Laisse-la dans le silence, il faut qu’elle pense à ses méfaits
C’est une horrible personne qui ne changera jamais
Elle a même fait une chanson… Non mais quelle impunité…
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
La justice c’est facile, envoie les bites en exil, oh yeah
Call-out une meuf trans
Call-out une meuf trans, call-out une meuf trans
Pas besoin de peine de mort, puisqu’elle va se suicider, yeah, yea-eah
Cancel
Une
Meuf tra-a-a-ans.